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Matilde 

dos santos

artcritic &

curator

 

"La justice entend aux portes de la beauté"

("Justice listens at the gates of Beauty.”) 

Aimé Césaire

Moi laminaire, 1982

L’homme est fait d’histoires, à la fois fabriqué et fabricant et tout ce que nous faisons et les perceptions que nous avons, sont informées, produites, biaisées par les histoires que l'on raconte, que d'autres racontent d’ailleurs, le plus souvent. Aussi se raconter c’est prendre sa

vie en main. Et prendre place dans la société implique non seulement être inclus dans le

récit historique du groupe mais aussi la possibilité de faire entendre ses propres récits. Si un monde plus juste est possible, c’est surement un monde dans lequel on écoute l’autre.

La soif de justice m’a amenée à l’art. Je crois, comme dans le titre du poème d’Aimé Césaire, que la justice écoute aux portes de la beauté. J’ai grandi dans une ville pleine de grâce

et bienveillance, juste à côté d’invisibles, majoritairement noirs soumis à l’hostilité permanente d’une société foncière et historiquement inégalitaire.  Est-ce un hasard, si les artistes

caribéens frappés d’une invisibilité presque ostentatoire, sont eux aussi fruit d’une histoire colonial-esclavagiste ?  Depuis les années 1980 les artistes de la Caraïbe francophone se racontent sans cesse : l’intime, le social, l’ancestralité et l’actualité, tout ceci ensemble et mélangé, et avec talent.  Pourtant en France ceux qui ont la charge de la culture longtemps

ne semblaient pas disposés à les entendre… je ne veux ni ne saurais raconter leurs

histoires à leur place, mais j’aimerais être une des multiples courroies de transmission nécessaires à les faire entendre.  

Humans are both made of and makers of history and everything we do and the perceptions

we have, are informed, produced, biased by the stories we tell, mostly the stories that

other people tells us in fact. So telling yourself is taking your life in hand. And taking a place in society implies not only being included in the historical narrative of the group but also the possibility of having one's own stories heard. If a more just world is possible, it is surely a world in which we listen to others. The thirst for justice brought me to art. I believe, as in the title of Aimé Césaire's poem, that justice listens at the gates of beauty. I grew up in a city full of grace and benevolence, right next to invisible people, predominantly black subject to the constant hostility of a profound and historically unequal society. Is it a coincidence that the Caribbean artists, struck by almost ostentatious invisibility, went by a very close colonial-slavery history? Since the 1980s, artists from the French-speaking Caribbean have been telling their own history endlessly: mixing all together and with talent the intimate, the social, the ancestral and the topical. Yet in France, those who have overseen culture for a long time did not seem inclined to hear them ... I neither want nor could tell their stories for them, but I would like to be one of the many transmission belts needed to allow them to be heard .

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